Quelle notion subjective tout de même ce temps. Il y a des minutes qui se déguisent en année, puis d’autres qui préfèrent filer vite, loin. Faut-il attendre d’avoir le temps ? Liquider les tâches ingrates pour espérer se libérer, avoir le temps de ? Sachant que le propre des impondérables est justement de surgir au moment le plus inopportun, n’est-ce pas se préparer le terrain pour une frustration majeure ? Ou bien faut-il prendre le temps, l’arracher tant bien que mal, le protéger des accumulations négatives ? Savourer l’instant volé, se gaver de son énergie positive pour affronter les plaies en latence ? Et puis aussi, pourquoi penser que l’attente est néfaste et génère automatiquement une suppuration ?
Je me posais toutes ces questions un matin. Nous avons couru pour arriver à l’école avant la fermeture des grilles, voyagé pendant beaucoup trop de minutes pour prendre de l’essence (activité oh combien rébarbative !) et enfin rentrés, il restait à déblayer la maison des ouragans matinaux. Je n’avais pas envie. MiniTeigne non plus. On s’est câlinés dans le canapé, lâches cherchant le réconfort mutuel, nous avons regardé le jardin et ses couleurs, les oiseaux en pleine activité printanière (extraordinaire pour ce merveilleux mois de novembre) et puis il m’a dit dans le creux de l’oreille « a peinture môman ? ».
Et c’était une riche idée ! Depuis combien de temps n’avais-je pas pris mes pinceaux ? Houuu… Je crois bien que même le Mini n’avait pas encore eu le moment de peindre. Je veux dire avec de la vraie peinture acrylique, pas celle à l’eau qu’est toute moche de toute façon. Je parle de celle qui glisse, qui scintille de mille feux, douce sous les doigts et qui sait prendre le temps de sécher, elle !
Alors nous avons, nous aussi, pris le temps d’installer notre laboratoire de couleurs : la jolie toile cirée, les pinceaux de différents poils, les couleurs primaires, l’assiette pour les mélanger, de grandes feuilles pour nos élans créatifs. Nous avons arraché un moment de pur bonheur à la course effrénée du quotidien obligatoire. MiniTeigne a passé plus d’une heure à mélanger, étaler, picoter les couleurs. Sur la feuille, dans l’assiette. Une heure ! Quand tu sais qu’une session d’activité de quinze minutes c’est déjà énorme, une heure c’est le début d’une passion pour lui. J’ai passé mon temps à le dévorer des yeux, je le trouvais si beau, si gentil et si appliqué (ben ouais, c’est moi qui l’ai fait !). Il m’a largement impressionnée par sa concentration et son silence, j’ai eu bien du mal à ne pas le déranger. Il n’a jamais cherché mon approbation, une quelconque directive. Rien.
Au bout de quatre dessins et deux assiettes, il a détaché son tablier, a disposé ses œuvres bien à plat sur la nappe, toujours silencieux. Il a contourné la table, a grimpé sur mes genoux puis m’a dit « ci, ci, pour môman et pis ci pour pôpa et pis ci pour mamie. D’accord ? ». D’accord. J’en ai toujours un de plus que les autres…
Et vous, le temps qui vous manque, vous le gérez comment ?
C’est ma première participation aux Mardis tout doux de Maman@homework. Une participation un peu honteuse, car il y a longtemps que je devais le faire. Longtemps que je voulais le faire. Et puis la semaine dernière, ce fut presque la fin par manque de participation. Par manque de temps. Enfin, tu vois où je veux en venir, c’est le cercle vicieux de l’égoïsme. J’adore, je lis les articles, je ne participe pas faute de temps et puis je pleure car c’est trop tard. Alors, voilà, je prends le temps ! Et merci au passage car j’aime ces Mardis tout doux.