Chrono-nutrition. Avoue-le, rien que le nom claque ! Il réussit à m’évoquer dans le même temps des preuves scientifiques infaillibles et le truc rapide, inoffensif, genre « tu fais un régime si facile et rapide que tu n’as pas le temps de souffrir ». Je suis terrifiée de retomber dans un truc la dukon. Je ne veux pas me sentir nulle et incapable, je désire seulement avoir moins faim, perdre ce fichu poids qui immobilise mes jambes, plombe mon arrière-train et défrise ma zen attitude. Entre ces deux étapes, je pressens qu'il y a des marches à monter, une à la fois, et peut être que j’en ai déjà escaladé quelques unes. Qui sait ? Qui connaît le bout du chemin ?
J’ai grandi avec de bonnes joues, de bonnes fesses. Ma voisine Arlette me le répétait si souvent en les pinçant douloureusement avec ses ongles peints et gigantesques (de vraies pelles à tarte multicolores). Mes rondeurs, bien que délicieuses à 5 ans, m’ont encombrées au fil du temps. En pleine croissance, je les croyais s’alourdir plutôt que s’étirer. Ma bonne amie de l’époque, jalouse ou devin, expliquait à qui voulait l’entendre (ou pas) ma poitrine par un dépôt graisseux important et infini. Ma maman nous regardait sœur et moi avec beaucoup de fierté, « j’ai une fille intelligente (moi) et l’autre belle (sœur) ». A posteriori, les deux ont fait la fortune des psys. Les femmes sont des éternelles insatisfaites ! Que dire de l’amant malheureux qui me gratifia d’un « t’es belle, intelligente, mais t’as de ces cuisses ! ». Hum… Droite, gauche ? Les deux, et hop ! Et puis cet endocrinologue qui me vendait (cher) à chaque rendez-vous son refrain inutile « les pilules de volonté n’existent pas, le sport si ». Je lui aurais bien fait bouffer son presse-papier Balance de la Justice (pierre-métal ça existe et c’est aussi du lourd). J’ai toujours fait du sport ce qui ne m’a pas empêché d’avoir les cuisses qui se touchent.
Comme beaucoup, j’ai enchaîné les nutritionnistes, les régimes draconiens à la mode, les chutes, les rechutes. Grosse, je me sentais toujours grosse même à 54 kilos pour 164 centimètres. Mon corps a tout enduré. Le faux amour, les sports, les pincements, les jeûnes, les boulimies Tout, sans cesse, sans casse. Admirable ce corps tout de même ! Il a même réussi à faire un deuxième bébé parfait après une diète hyperprotéinée sévère. Huit mois, nourri de six sachets quotidiens et légumes verts ou blancs, des injections mensuelles et ce merveilleux corps exprime encore sa créativité ! Alors j’ai arrêté les bêtises. J’ai grossi, j’ai construit mon dernier lutin et mon premier amour de moi. Oui, les amas graisseux sont toujours aussi indisciplinés et persistent mais mon corps et moi, nous progressons, lentement. Contre toute attente, nous sommes ensemble, en osmose et se rendre compte qu'on habite son meilleur ami est une expérience enrichissante qu'il était urgent de découvrir.
Bien entendu, il y a des rechutes et des doutes parce qu'être en surpoids, c’est se balancer continuellement entre le respect de soi et le rejet de ses formes. Une ambivalence aussi vicieuse qu’un régime yo-yo : je m’accepte, je me hais, je m’accepte, je me hais… Infernal ! Lors d’une phase de déclin, j’ai sorti les dernières préparations hyperprotéinées en attente. Il en restait pour 3 jours. Trois petits jours pour engager l’aiguille sur la bonne pente et avoir la force de persévérer de manière équilibrée par la suite. Au premier repas, j’ai tout vomi. Littéralement. C’était le cri du corps, toute ma chimie intérieure refusait. J’attendrais. J’ai attendu 3 ans, je suis prête.
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